Pluralisme et indépendance de l’information : le Conseil d'Etat reprend l'ARCOM
Auteur : Rémy Dandan
Publié le :
13/02/2024
13
février
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02
2024
L‘ARCOM se fait taper sur les doigts par le Conseil d‘Etat (CE, 13 février 2024, n°463162).
Pour être plus juridique, le Conseil d’Etat a annulé la décision par laquelle l’ARCOM a refusé de mettre en demeure CNEWS de se conformer à ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat précise la grille d’analyse de l’indépendance et du pluralisme de l’information en obligeant l’ARCOM à faire une appréciation globale du contenu d’une chaine sans se limiter au temps d’intervention de certaines personnes dans certaines séquences.
Rappel sur la nécessaire indépendance et le pluralisme de l'information
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, la liberté d’expression apparaît aux articles 4 et 34 de la Constitution qui font référence aux « expressions pluralistes des opinions » et au « pluralisme et à l’indépendance des médias ».
Le respect de la Démocratie implique que l’État garantisse une expression pluraliste.
L’une des problématiques contemporaines est le nécessaire maintien des différents canaux d’expression et de leur pluralisme d’expression (TV, radio, presse écrite etc.) alors que les grands médias se concentrent dans les mains de très peu de grands groupes.
Assez avare sur la question, le critère essentiel d’appréciation du pluralisme par le Conseil constitutionnel est le libre choix du public (Conseil constitutionnel, 11 octobre 1984, Décision n° 84-181 DC, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse).
L’exigence d’un pluralisme dans l’exercice de la liberté de communication est rappelée à l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
L’article 3-1 de la même loi confie à l’ARCOM un rôle de garant de l'exercice de la liberté de communication et garant de l'honnêteté, de l'indépendance et du pluralisme de l'information et des programmes.
L’article 13 de cette même loi prévoit que l’ARCOM assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale.
Dès lors, les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l’ARCOM.
En l'espèce : les faits à l'origine de demande de mise en demeure de respecter le pluralisme et l'indépendance de l'information,
Il convient de rappeler qu’un pouvoir de mise en demeure est confié à l’ARCOM par la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
En l’espèce, par un courrier du 30 novembre 2021, l’association Reporters sans frontières (RSF) a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’adresser à la société éditrice du service CNEWS, une mise en demeure de se conformer à ses obligations relatives à sa qualité de « service consacré à l’information » prévue par sa convention d’autorisation ainsi qu’aux principes d’honnêteté de l’information, de pluralisme et d’indépendance de l’information.
Par une décision du 5 avril 2022, l’ARCOM (qui s’est substituée au CSA) a refusé de faire droit à cette demande.
L’association RSF a alors demandé l’annulation de cette décision.
Dans sa décision, le Conseil d’Etat a considéré que :
- Le pluralisme de l’information ne se limite pas au temps de parole des personnalités politiques,
- L’indépendance de l’information s’apprécie au regard de l’ensemble des conditions de fonctionnement d’une chaîne et des caractéristiques de sa programmation
Sur le pluralisme
Le Conseil d’Etat a d’abord jugé que le pluralisme de l’information ne se limite pas au temps de parole des personnalités politiques.
Pour la rappeler à l’ordre, le Conseil d’Etat a jugé que pour assurer l’application de la loi, l’Arcom ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques mais doit déterminer des modalités permettant de veiller à ce que les chaînes assurent, dans le respect de leur liberté éditoriale, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions en tenant compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités.
Sur l'indépendance
IPar ailleurs, il convient de rappeler que l’ARCOM avait refusé de mettre en demeure CNEWS au motif qu’elle ne pouvait se prononcer sur cette question que sur la base d’exemples précis, dans des séquences données, que l’association ne fournissait pas.
Sur cette question, le Conseil d’Etat a infirmé la position de l’ARCOM en jugeant que l’indépendance ne s’apprécie pas seulement au regard d’extraits d’une émission spécifique mais aussi à l’échelle de l’ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation.
Par conséquent, l’ARCOM devra à nouveau examiner la demande de mise en demeure de RSF.
A noter
Par cette décision, le Conseil d’Etat ne remet pas en cause la politique ou la programmation de CNEWS mais permet de préciser la grille d’analyse du pluralisme et de l’indépendance de l’information que l’ARCOM doit s’employer à garantir.
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