Procession et prières de rue : la décision d’interdiction du maire d’Orléans est suspendue par le tribunal administratif
Publié le :
27/12/2024
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En référé-liberté, le juge administratif a suspendu la décision du maire d’Orléans portant interdiction de prier sur l’espace public et d’utiliser des mégaphones lors d’une manifestation, et portant obligation de ne marcher que sur les trottoirs dans un secteur déterminé.
Le juge des référés a considéré que l'interdiction de prier, d'utiliser des mégaphones et l'obligation d'utiliser certains trottoirs n’était pas nécessaire et proportionnée au but de préservation de l'ordre public poursuivi par ces décisions. Plus encore, ces restrictions portent atteinte de manière grave et manifestement illégale, à la liberté de culte et à la liberté de manifester.
L’organisation d’une manifestation incluant une procession et des prières de rue
L’organisateur de la procession prévue pour le 8 décembre 2024 a émis une déclaration de manifestation comme l’exige les articles L. 211-1 et suivants sur code de la sécurité intérieure, et une demande d’occupation du domaine public auprès des services municipaux et préfectoraux afin d’organiser une manifestation au nom de la fraternité sacerdotale Saint-Pie X.
Par un courrier du 26 novembre 2024, le maire d’Orléans a délivré cette autorisation, assortie des interdictions précitées.
Le 2 décembre 2024, la préfète du Loiret a délivré un récépissé de la déclaration de manifestation, en accompagnant ce récépissé d’un courrier adressé au déclarant afin de restreinte la liberté de manifester en limitant la circulation aux seuls trottoirs dans un secteur déterminé.
Les requérants dont la fraternité sacerdotale Saint-Pie X ont alors introduit une requête en référé-liberté afin de demander au juge des référés de suspendre certaines dispositions des décisions du maire d’Orléans et de la préfète du Loiret, en faisant valoir qu’elles portent une atteinte grave et manifestement illégale au libre exercice du culte, à la liberté de manifester et à la liberté de conscience.
Une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et à la liberté de manifester
D’abord, le tribunal administratif d’Orléans a rappelé que constituent des libertés fondamentales au sens du référé-liberté la liberté d’expression et de communication, la liberté de manifester ou de se réunir et la liberté de culte.
Ensuite, le juge a rappelé que chacune de ces libertés fondamentales doit être conciliée avec le respect de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et avec le maintien de l’ordre public.
Aux termes du premier alinéa de l’article 27 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, « Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures d’un culte, sont réglées en conformité de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales », c’est-à-dire dans le respect de la nécessaire protection de l’ordre public et de ses composantes (lire l’article sur les composantes de l’ordre public).
En l’espèce, il convient de relever que, si dans le courrier accompagnant le récépissé de déclaration délivré le 2 décembre 2024, la préfète indiquait à l’organisateur de la procession qu’il « ne sera pas possible de prier sur l’espace public », cette interdiction n’est pas reprise dans le courrier accompagnant le récépissé de déclaration délivré le 6 décembre 2024. Dès lors, l’interdiction de prier doit être considérée comme ayant été retirée.
Par ailleurs, si le courrier du 6 décembre 2024 invitait les organisateurs, d’une part, à préserver la tranquillité des riverains en évitant le recours à des appareils amplificateurs de sons, d’autre part, à veiller à ce que les manifestants n’entravent pas la circulation routière et des transports en commun, et pour cela à emprunter les trottoirs, le juge des référés considère que la préfète du Loiret n’a, ce faisant, édicté aucune interdiction qui s’imposerait aux organisateurs mais s’est bornée à leur faire des recommandations en vue du bon déroulement de cette procession. Le juge considère alors que la préfecture n’a porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées par les requérants.
Tel n’est pas le cas en ce qui concerne le maire !
En effet, le maire d’Orléans a bien opposé aux requérants une interdiction de prier en interdisant les prières statiques. Le juge considère toutefois qu’aucun élément n’est apporté par la mairie quant au caractère suffisamment probable des troubles à l’ordre public qui pourraient résulter en l’espèce de la pratique de prières, notamment statiques. En particulier, si la commune invoquait dans son mémoire en défense d’éventuelles tensions avec les riverains ou les autres utilisateurs de l’espace public, elle n’appuie cette allégation d’aucun commencement de justification.
Concernant l’interdiction d’utiliser des mégaphones, le juge considère que la décision du maire est illégale car même s’il est vrai que l’utilisation d’un mégaphone peut troubler la tranquillité publique, un tel trouble ne peut pas être caractérisé dans le cadre d’une manifestation, de surcroit non statique, alors que les riverains ne seraient soumis au bruit que de manière très courte sur un horaire en journée.
De la même manière, compte tenu du parcours de la manifestation, l’obligation d’emprunter les trottoirs n’étaient pas justifiée par le maire.
Par conséquent, le juge du référé-liberté a considéré que l’interdiction de prier, l’interdiction d’utiliser des mégaphones et l’obligation d’utiliser les trottoirs rue Neuve Saint-Aignan, imposées par le maire d’Orléans, ne sont pas nécessaires et proportionnées au but de préservation de l’ordre public poursuivi par ces décisions. Alors même que ces restrictions n’ont pas pour effet d’interdire la manifestation déclarée, elles en affectent les conditions d’organisation d’une manière telle qu’elles portent atteinte, de manière grave et manifestement illégale, à la liberté de culte et à la liberté de manifester.
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