Visite domiciliaire, risque terroriste et utilisation d’une note blanche
La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur les conditions dans lesquelles une visite domiciliaire demandée par un préfet, en prévention d’un risque terroriste, peut être autorisée par un juge des libertés et de la détention (Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 décembre 2023, 22-80.611, Publié au bulletin).
La compréhension de cette décision implique le rappel de ce qu’est la police administrative. La police administrative se définit par son but (définition téléologique) qui est la préservation de l’ordre public dans toutes ses composantes (sécurité publique, salubrité publique, tranquillité publique, moralité publique et dignité humaine).
Il convient ensuite de rappeler la distinction entre la police administrative générale et la police administrative spéciale. La police administrative générale a pour but essentiel la prévention des atteintes à l’ordre public dans sa globalité, sans être concentré sur un domaine en particulier. La police administrative spéciale poursuit quant à elle des buts d’ordre public spécial ou d’intérêt général extrêmement variés (en matière d’environnement, de régulation d’activités, de péril, d’animaux, de préservation du patrimoine, etc.). Le titulaire des pouvoirs de police administrative générale sont à déduire de l’échelon géographique dans lequel la la mesure de police est prise, tandis que le titulaire d’un pouvoir de police administrative spécial est expressément désigné par les textes.
Il convient de noter que la loi du 30 octobre 2017 a introduit des règles spéciales de police administrative pour prévenir le risque terroriste. Ainsi, un préfet peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention à procéder à des visites domiciliaires et des saisies en tout lieu fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics en lien avec un risque terroriste, si cette personne entre en relations habituelles avec des personnes ou des organisations impliquées dans le terrorisme, ou adhère à une idéologie terroriste (art. L. 229-1 du code de la sécurité intérieure).
En l’espèce, un préfet a demandé au juge des libertés et de la détention (JLD) l’autorisation de visiter des locaux d’une association, co-présidée par une personne décrite comme constituant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public en raison de ses convictions et agissements favorables au terrorisme islamiste.
Le préfet a présenté sa demande au JLD sur la seule base d’une note rédigée par les services de renseignement, dite « note blanche »[1].
Le JLD a autorisé la visite des locaux de l’association.
L’association a fait appel. Selon elle, le JLD n’aurait pas dû autoriser la visite de ses locaux car :
· la seule base d’une « note blanche » produite par le préfet serait insuffisante ;
· il ne serait pas établi que les locaux de l’association étaient fréquentés par une personne présentant une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.
La décision du JLD a été confirmée en appel.
L’association a formé un pourvoi en cassation.
Après analyse, la Cour de cassation considère que si le JLD n’a pas le droit d’interpréter ou d’extrapoler une note blanche, il est toutefois en droit d’autoriser une visite domiciliaire au regard des seuls éléments évoqués dans une note blanche. En cas de contestation sérieuse du contenu de la note blanche, le juge d’appel devra inviter le préfet à communiquer d’autres éléments de preuve.
Concernant son contrôle, le JLD ou le juge d’appel doit s’assurer que la mesure de visite sollicitée est nécessaire et proportionnée, notamment au regard de la menace particulièrement grave et actuelle pour la sécurité et l’ordre publics que représente le comportement de la personne visée.
De son côté, la Cour de cassation contrôle uniquement la motivation de la décision.
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