
L'affaire "Doualemn" et l'illégitime remise en question de la justice administrative
Le 6 février dernier, le juge des référés du tribunal administratif de Melun annulait l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) prise par le préfet de l’Hérault à l’encontre de l’influenceur algérien « Doualemn » (TA MELUN, 6 février 2025, N° 2501378,2501379).
Depuis, la juridiction, son personnel et plus largement la justice administrative subissent des attaques par le biais de propos et publications mettant en cause l’indépendance et l’impartialité des juridictions administratives. Ces propos émanent notamment de ministres tels que Bruno RETAILLEAU et Gérald DARMANIN.
C’est dans ces conditions que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a dénoncé ces attaques et un harcèlement.
L'annulation de l'OQTF prise à l'encontre de Doualemn par le tribunal administratif de Melun
Pour annuler l’OQTF prise à l’encontre de “Doualemn”, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a fait une stricte application de la loi en considérant, comme le tribunal administratif de Paris, que « Doualemn » ne pouvait être éloigné du territoire français que selon la procédure d’expulsion ordinaire, impliquant son audition devant la commission d’expulsion, et que la procédure de l’OQTF n’était donc pas légalement applicable.
En effet, en vertu du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l’étranger résidant régulièrement sur le territoire français, et dont la présence constitue une menace grave à l’ordre public, peut faire l’objet :
- soit d’un arrêté d’expulsion pris sur le fondement de l’article L. 631-1 du CESEDA, avec pour corollaire le retrait automatique de son titre de séjour en vertu de l’article R. 432-3 du même code,
- soit d’une décision de retrait de son titre de séjour en application de l’article L. 432-4 du CESEDA, prise après un examen de sa situation personnelle, et assortie le cas échéant d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l’article L. 611-1.
Au demeurant, si le titre de séjour ainsi retiré avait une durée de validité de dix ans, seul un arrêté d’expulsion peut être pris dans les conditions prévues par l’article L. 432-12 précité.
En l’espèce, “Doualemn” s’était vu infliger une mesure prononçant son expulsion du territoire français selon la procédure d’urgence absolue, avec pour conséquence un arrêté du même jour procédant au retrait du titre de séjour dont il était titulaire.
De plus, le préfet de l’Hérault a édicté les deux OQTF contestées en entendant se fonder sur ce retrait.
Toutefois, comme il l’a été développé précédemment, le retrait du titre de séjour de Doualemn” qui revêt un caractère automatique et indissociable de la procédure d’expulsion précédemment diligentée, ne saurait servir de base légale à une OQTF édictée sur le fondement de l’article L. 611-1.
C’est donc sur ce fondement que le juge a considéré que “Doualemn”, qui s’est vu retirer un certificat de résidence d’une durée de validité de dix ans, ne peut faire l’objet, au titre de la menace qu’il représente, que d’un arrêté d’expulsion (et pas d’une OQTF).
Depuis, la justice administrative est victime d'attaques illégitimes
Depuis cette ordonnance, le tribunal administratif de Melun et plus largement la juridiction administrative subit des attaques, parfois nominatives, remettant en cause leur indépendance et leur impartialité. Ces attaques émanent notamment de Gérald DARMANIN (ministre de la justice) et de Bruno RETAILLEAU (ministre de l’intérieur). C’est dans ce contexte que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (communiqué du 11/02/2025 du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel) :
- Dénonce avec force les propos et publications récemment diffusés qui mettent en cause l’indépendance et l’impartialité des juridictions administratives.
- Condamne avec la plus grande fermeté les injures et les menaces proférées notamment sur les réseaux sociaux et dirigées nominativement contre des juges administratifs, des personnels de greffe et des avocats.
- Exprime son entier soutien aux personnes concernées et estime que toutes les suites pénales susceptibles d’être engagées doivent l’être
- Rappelle solennellement l’importance cruciale, dans une démocratie, de l’État de droit et d’une justice indépendante chargée de garantir l’application de la loi.
Historique
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