Master ? Mastère ? Un établissement peut-il jouer sur les mots ?
Publié le :
14/11/2024
14
novembre
nov.
11
2024
La confusion nourrie par malice est l’arme de ceux qui redoutent la lumière de la vérité … Hélas, de plus en plus nombreux sont les établissements qui cherchent à faire croire qu’ils délivrent des diplômes académiques, parmi lesquels les « Mastères », certainement pour convaincre et rassurer ceux qui ont été déçus par la sélection en première année de Master.
Les « Mastères » sont-ils des Master ?
Les règles encadrant l'usage du terme « Master » en France
En France, l’utilisation du terme « Master » est strictement encadrée par le Code de l’éducation et confère un grade académique officiel de niveau Bac+5.
Selon l’article L. 731-14 du code de l’éducation, seuls les établissements accrédités par l’État peuvent délivrer un diplôme avec cette appellation. Les établissements qui délivrent des titres portant le nom de Master ou qui décernent des diplômes en référence au grade de master sans avoir été accrédité ou autorisé par l'Etat encourt une peine d'amende pouvant atteindre 30 000 euros.
En effet, cet article L. 731-14 du code de l’éducation prévoit que :
« Les établissements d'enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d'universités. Les certificats d'études qu'on y juge à propos de décerner aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat.
Le fait, pour le responsable d'un établissement de donner à celui-ci le titre d'université ou de faire décerner des certificats portant le titre de baccalauréat, de licence ou de doctorat, est puni de 30 000 euros d'amende.
Est puni de la même peine le responsable d'un établissement qui décerne des diplômes portant le nom de master, ou qui décerne des diplômes en référence au grade de master sans avoir été accrédité ou autorisé par l'Etat, dans l'un ou l'autre cas. »
Toutefois, plusieurs établissements privés, principalement des écoles de commerce et d’ingénieurs, proposent des formations appelées « Mastère » ou « Mastère spécialisé ». Ces formations sont souvent créées pour répondre à une demande de spécialisation professionnelle, mais elles ne confèrent pas de grade académique reconnu au même titre qu’un diplôme de Master délivré par une université accréditée.
La jurisprudence encadrant l’usage abusif du terme « Master »
Le Conseil d’État a été saisi plusieurs fois pour clarifier les conditions d’usage des titres académiques, notamment en ce qui concerne les diplômes de niveau Master. Par exemple, dans un arrêt de 2003 (CE, 11 juin 2003, n°246971), le Conseil d’État a validé l’usage du terme « Master » en précisant que, malgré son origine anglaise, il est internationalement reconnu et harmonisé dans l’Union européenne. Cependant, cet usage reste strictement réservé aux diplômes conférant un grade reconnu.
Dans une autre décision (CE, 23 mars 2016, n°393574), le Conseil d’État a réitéré que l’usage du titre de « Master » ou « Mastère » doit se limiter aux établissements habilités et aux diplômes nationaux répondant aux critères fixés par le Code de l’éducation.
L’absence de reconnaissance académique officielle peut induire une confusion pour les étudiants et est donc passible de sanctions si elle est abusive.
Ainsi, le Conseil d’Etat a récemment confirmé que les étudiants de l’Institut Supérieur du Droit (ISD) ne devait pas se laisser convaincre que les « Mastères » proposés permettaient d’acquérir le grade de Master et de passer l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats CRFPA (CE, 15 octobre 2024, requête n°489074). Pour ce faire, le Conseil d’Etat s’est fondé sur le faible nombre d'universitaires au sein du corps enseignant, sur l'absence d'informations fournies par l'établissement concernant l'insertion professionnelle de ses diplômés, et sur l’absence d’enregistrement de ses « diplômes » au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) qui atteste d'un niveau de qualification officie (Lire l’article).
Le « Mastère spécialisé » : un label sans équivalence académique officielle
Les formations « Mastère spécialisé » sont en principe créées par des établissements membres de la Conférence des Grandes Écoles (CGE) pour répondre à des besoins spécifiques du marché du travail. Toutefois, il est essentiel de noter qu’un « Mastère spécialisé » ne confère pas de grade académique et ne bénéficie pas de la reconnaissance d’un diplôme de Master. La jurisprudence soutient cette distinction, rappelant que ces titres ne doivent pas être présentés comme des équivalents des diplômes universitaires reconnus par l’État.
Conclusion : les précautions à prendre pour choisir une formation intitulée « Mastère »
Pour les étudiants, il est crucial de vérifier si le diplôme proposé est bien un « Master » reconnu par l’État ou un « Mastère » non accrédité. Le recours à la jurisprudence démontre que les tribunaux sont attentifs aux pratiques pouvant induire les étudiants en erreur et à la protection des titres académiques en France. Les établissements qui utilisent abusivement le terme « Master » risquent des sanctions légales. Toute personne ayant des doutes sur la validité d’un diplôme ou les pratiques d’un établissement peut également consulter un avocat spécialisé en droit de l’éducation pour obtenir des conseils et protéger ses intérêts académiques et professionnels.
N.B. : Le cabinet RD AVOCATS est compétent pour répondre à toutes vos interrogations concernant le droit de l’éducation et le droit de l’enseignement supérieur.
Historique
-
Le droit de se taire s’applique aux procédures disciplinaires à l’université
Publié le : 14/11/2024 14 novembre nov. 11 2024Article du cabinetArticle du cabinet / Éducation et enseignement supérieurLe Tribunal administratif de Bordeaux a statué en faveur d’un étudiant de l'Université Bordeaux Montaigne, annulant ainsi sa sanction d’exclusion d’un an au motif que son droit...
-
Master ? Mastère ? Un établissement peut-il jouer sur les mots ?
Publié le : 14/11/2024 14 novembre nov. 11 2024Article du cabinetArticle du cabinet / Éducation et enseignement supérieurLa confusion nourrie par malice est l’arme de ceux qui redoutent la lumière de la vérité … Hélas, de plus en plus nombreux sont les établissements qui cherchent à faire croire q...
-
Publication du rapport d’information sur les ABF : périmètre et compétences
Publié le : 14/11/2024 14 novembre nov. 11 2024Droit public / Droit de l'urbanismeLes architectes des bâtiments de France (ABF) exercent une mission essentielle de protection du patrimoine paysager, en particulier dans les abords des monuments historiques. Il...Source : www.actu-juridique.fr
-
Non-remplacement des enseignants : l'État encore condamné pour manquement à ses obligations
Publié le : 13/11/2024 13 novembre nov. 11 2024Article du cabinetArticle du cabinet / Éducation et enseignement supérieurLe Tribunal administratif de Paris, dans une décision récente, a condamné l’État pour ne pas avoir remplacé des professeurs absents d’un collège, alors que cette situation a eng...
-
Hanouka à l'Elysée : le Conseil d'Etat rejette la requête faute de décision préalable
Publié le : 12/11/2024 12 novembre nov. 11 2024Article du cabinetArticle du cabinet / Droit administratif et procédureLe Conseil d’Etat rejette la requête dirigée contre la célébration religieuse de la fête d’Hanouka à l’Elysée, faute de décision préalable du Président de la République (CE, 30...
-
La crémation du défunt faisant l'objet d'une reprise de sépulture par la commune méconnaît le principe de sauvegarde la dignité humaine
Publié le : 11/11/2024 11 novembre nov. 11 2024Article du cabinetArticle du cabinet / Droits et libertés fondamentalesLe Conseil constitutionnel a censuré une disposition du code général des collectivités territoriales (CGCT) permettant la crémation des restes d’un défunt inhumé en terrain comm...