
L’Etat condamné à indemniser les victimes ayant été exposées au chlordécone en Guadeloupe et en Martinique
La Cour administrative d’appel de Paris saisie par près de 1300 personnes demandant réparation du fait de leur exposition au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, a jugé que l’Etat doit indemniser les personnes qui justifient d’un préjudice moral d’anxiété (Cour administrative d’appel de Paris, 11 mars 2025, n°22PA03906)
Cet arrêt établit la responsabilité de l’État en raison de sa faute et précise les conditions d’indemnisation des victimes démontrant un préjudice moral d’anxiété lié à cette exposition.
Contexte de l’affaire du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique
Entre 1972 et 1993, le chlordécone, un insecticide de synthèse, a été utilisé dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe. Cette substance a entraîné une pollution durable des sols, de l’eau et de la chaîne alimentaire, exposant les populations locales à des risques sanitaires accrus. La dangerosité de ce produit est telle qu’il est interdit à la vente et à l’utilisation depuis 1990. Pour autant des dérogations de délivrance sont autorisées dans des conditions bien précises et sous un contrôle aigu et des autorisations de vente ont été délivrées par le Ministre de l’agriculture en connaissance de la dangerosité du polluant.
Dans un premier temps, le tribunal administratif a rejeté la demande des requérants au motif qu’ils ne faisaient état d’aucun élément personnel et circonstancié permettant de justifier le préjudice d’anxiété dont ils se prévalent.
Dans un second temps, la Cour administrative d’appel de Paris a réformé ce jugement en reconnaissant le caractère fautif de l’action de l’Etat mais également le préjudice d’anxiété de certains des requérants du fait de leur exposition durable au chlordécone en dépit de sa dangerosité avérée.
Fautes retenues à l’encontre de l’État dans l’affaire du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique
La Cour a procédé à une analyse des différentes situations des requérants et a identifié plusieurs manquements de l’État.
D’abord, le renouvellement des autorisations sans études suffisantes : à partir de 1974, l’État a renouvelé les autorisations provisoires de vente des insecticides à base de chlordécone sans disposer des études demandées sur leur toxicité et sans s’assurer de leur innocuité, dans l’absence de résultat des études ces autorisations ont même été prorogées.
Ensuite, l’homologation malgré les connaissances sur la toxicité : alors que l’évolution des connaissances permettait une affirmation absolue de la toxicité du chlordécone, l’État a homologué ces pesticides et autorisé leur usage dérogatoire entre 1990 et 1993 sur les territoires de la Guadeloupe et de la Martinique, de fait la Cour a relevé que l’accès à ces connaissances ne pouvait permettre à l’Etat d’accorder des homologations sur ce produit.
Enfin, le manque de diligence après l’interdiction : à la suite de l’interdiction du chlordécone, l’État a tardé à éliminer les stocks restants, à évaluer la contamination de l’environnement et de la chaîne alimentaire, et à informer et protéger la population exposée, cette inaction a participé à la contamination de l’environnement et des populations en contact avec le chlordécone.
Préjudice moral d’anxiété et indemnisation du fait de l’autorisation du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique
La Cour a relevé que l’exposition au chlordécone est associée à un risque accru de développer certaines pathologies graves, notamment le cancer de la prostate, des naissances prématurées et des impacts sur le développement cognitif des enfants.
Pour une dizaine de personnes ayant fourni des éléments suffisants, tels que des dosages sanguins ou des analyses de sols, la Cour a reconnu un préjudice d’anxiété résultant de la conscience de courir un risque élevé de développer une pathologie grave. Elle a ainsi condamné l’État à réparer ce préjudice.
En revanche, la Cour a rappelé que la simple invocation d’une exposition au chlordécone, sans justification individuelle étayée, ne permet pas de justifier un préjudice réparable.
Partant, la Cour a ouvert droit à réparation à une dizaine de requérants sur l’ensemble des demandeurs ce qui constitue une avancée sur la reconnaissance de la pollution environnementale en créant un précédent mais il convient pour les requérants de préciser l’impact personnel de leur proximité avec ce polluant pour obtenir droit à réparation.
La Cour insiste donc sur l’importance de la démonstration individuelle du préjudice pour obtenir réparation et précise les obligations de l’État en matière de protection de la santé publique face aux risques environnementaux.
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