Le Président de la République peut-il refuser la démission du Premier Ministre ?
Le Président de la République peut-il refuser la démission du Premier ministre ?
La réponse à cette question est difficile eu égard au contraste entre la règle juridique et la pratique politique.
La règle juridique
En effet, l’article 8 de la Constitution de la Vème République prévoit que :
“Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.”
A la lecture de cet article, il est clair que le Président de la République ne détient aucun droit de révocation de son Premier Ministre.
L’initiative de la démission appartient juridiquement au Premier Ministre qui présente la démission de son Gouvernement. Toutefois, la concrétisation de cette décision dépend du Président de la République qui décide de mettre fin ou non aux fonctions du Premier Ministre.
Il en résulte que juridiquement, le Président de la République est en droit de ne pas mettre fin aux fonctions du Premier Ministre qui présente la démission de son Gouvernement.
La pratique politique
La bonne compréhension de cette partie implique le rappel de la distinction des compétences entre le Président de la République et le Premier Ministre.
Comme le prévoit l’article 5 de la Constitution :
“Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités.”
L’article 10 précise que “Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.”
Conformément à l’article 13, “Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres” de même qu’il nomme aux emplois civils et militaires de l'Etat et aux postes stratégiques de nos institutions.
Les compétences du Gouvernement (Premier Ministre et ministres) sont prévues aux articles 20 et suivants de la Constitution.
L’article 20 prévoit que “Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.”
Plus spécifiquement, l’article 21 de la Constitution prévoit les compétences du Premier Ministre, dans ces termes :
“Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l'exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l'article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à l'article 15.
Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d'un Conseil des ministres en vertu d'une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé.”
Dès lors, la détermination et la conduite de la politique de la Nation relèvent de la compétence du Gouvernement dont l’action est dirigée par le Premier Ministre.
Le rôle du Premier Ministre est donc essentiel dans notre Vème République.
Depuis 1958, le Président de la République est très libre dans le choix de nomination de son Premier Ministre, et dans sa décision de mettre fin aux fonctions de ce dernier. Toutefois, il reste tenu par la pratique politique et par les articles 20 et 49 de la Constitution qui posent le principe de responsabilité du Gouvernement devant le Parlement (Assemblée nationale et Sénat).
Partant, même si le Président est libre de nommer et de mettre fin aux fonctions de son Premier Ministre, cette décision doit respecter le choix des électeurs.
Politiquement, le choix des électeurs oblige le Président de la République dans sa décision de nommer ou d’accepter de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre.
A titre d’illustration, lorsque les élections législatives ont été favorables au parti présidentiel, le Président de la République désignera facilement un “bras droit” ou maintiendra en fonction celui en fonction (ex : après une dissolution de l’Assemblée ayant abouti à l’élection d’une majorité présidentielle).
La tâche sera plus ardue lorsqu’il s’agira de désigner un Premier Ministre traduisant le choix des électeurs lorsque ce dernier aura été défavorable au parti présidentiel.
Dans ce cas de figure, il est de tradition politique que le Premier Ministre présente sa démission au lendemain des élections législatives défavorables, afin de traduire la prise d’acte du choix des électeurs.
Plus généralement, si le Président de la République ne dispose juridiquement d’aucun droit de révoquer son Premier Ministre, il est politiquement admis que le Président puisse demander à son Premier Ministre de lui présenter sa démission. Le Premier Ministre se soumettra à la demande du Président de la République, dans une logique de primauté présidentielle (il convient de rappeler que contrairement au Premier Ministre, le Président de la République est élu au suffrage universel direct).
Par ailleurs, si rien n’oblige juridiquement le Président de la République a nommé un Premier Ministre d’un autre parti (ayant la faveur des urnes), il n’en est pas moins que politiquement ce choix s’impose.
D’une part, un tel choix ne fait que traduire une réaction démocratique en relation avec le choix des français.
D’autre part, le Gouvernement reste responsable devant le Parlement qui pourra “s’opposer” à la nomination d’un Premier Ministre et d’un Gouvernement en inadéquation avec sa composition majoritaire. En effet, l’Assemblée nationale pourrait être à l’origine d’un blocage en ne votant aucun des projets de lois ou propositions de lois émanant des forces gouvernementales, jusqu’à contraindre le Premier Ministre d’engager la responsabilité de son Gouvernement devant l’Assemblée Nationale qui pourrait alors voter une motion de censure obligeant le Gouvernement à présenter sa démission.
Conclusion
En conclusion, le Président de la République est en droit de refuser de mettre fin aux fonctions du Premier Ministre qui présente la démission de son Gouvernement. Toutefois, ce choix doit toujours tenir compte de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement, et du choix des électeurs. Dès lors, politiquement, tout refus contraire à ces paramètres ne peut qu’être temporaire et justifié par la volonté de maintenir une stabilité le temps de la réorganisation gouvernementale.
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