Le droit de se taire s’applique aux procédures disciplinaires à l’université
Publié le :
14/11/2024
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Le Tribunal administratif de Bordeaux a statué en faveur d’un étudiant de l'Université Bordeaux Montaigne, annulant ainsi sa sanction d’exclusion d’un an au motif que son droit de se taire ne lui avait pas été notifié (TA Bordeaux, 3e ch., 31 oct. 2024, n° 2403359).
Cette décision illustre le renforcement des garanties procédurales pour les personnes poursuivies en matière disciplinaire, notamment dans le cadre universitaire. En effet, le droit de se taire ou droit au silence est un principe fondamental qui découle du principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, tel que prévu par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Ce principe s'applique non seulement aux procédures pénales mais également aux procédures disciplinaires.
Les faits et la procédure mettant en évidence l’absence de notification du droit de se taire
L’étudiant requérant avait été sanctionné pour des comportements et messages menaçants envers une étudiante, des insultes envers des enseignants et une altercation violente avec un autre étudiant.
La section disciplinaire de l’Université Bordeaux Montaigne avait décidé de l’exclure un an.
Le requérant a contesté cette sanction en invoquant la violation de la garantie tirée du droit de se taire, ce qu’il estimait suffire à rendre la procédure irrégulière.
Dans cette procédure, l’université n’a pas réussi à contredire la circonstance que le requérant a été informé qu’il était en droit de se taire pour remplir le document « questions/réponses » qui lui a été transmis en raison de son absence à la commission d’instruction du 12 mars 2024 et que l’intéressé a rempli, comme le précise le rapport d’instruction.
Par suite, le juge considère que le requérant a été privé de cette garantie et que la décision attaquée a été prise au terme d’une procédure irrégulière.
Le droit de se taire en matière disciplinaire
Le droit de se taire, également appelé droit au silence, est un principe découlant de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui prévoit que nul ne peut être contraint de s’auto-incriminer.
L’application de ce droit aux procédures disciplinaires a été confirmée par les décisions récentes du Conseil constitutionnel en matière de discipline des notaires et des fonctionnaires (décisions n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 et n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024). Ces décisions réaffirment que le droit de se taire s’applique non seulement dans les affaires pénales, mais aussi dans les procédures disciplinaires, en précisant que ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
L’interprétation constitutionnelle de l’application de ce principe a ainsi été reprise par les juridictions administratives. A titre d’illustration, la Cour administrative d'appel de Paris a considéré que le droit de se taire doit être notifié au fonctionnaire faisant l'objet de poursuites disciplinaires, en vertu des exigences de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (CAA de PARIS, 6ème chambre, 2 avril 2024, 22PA03578, Inédit au recueil Lebon). Ce principe doit également être respecté pour tous les professionnels, ce qui est le cas lorsque le préfet de police a retiré pour un an la carte professionnelle d’un conducteur de taxi en raison de différents manquements (Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 1er février 2024, n° 2400163).
L'impact de cette décision
Malgré son caractère absolument logique au vu des développements précédents, cette annulation reste une confirmation essentielle pour le droit des étudiants. En effet, elle rappelle et impose aux établissements d'enseignement supérieur tels que les universités l'importance de respecter le droit au silence, qui est une garantie essentielle accordés aux étudiants, et une condition de régularité de la procédure disciplinaire.
Conclusion
Le droit de se taire est aujourd’hui un droit incontournable dans les procédures disciplinaires en France, notamment dans les universités. La décision du Tribunal administratif de Bordeaux vient confirmer l’application de ce droit aux procédures disciplinaires des étudiants.
Cette décision récente s’inscrit dans une tendance plus large de protection des droits de la défense, ouvrant la voie à un cadre plus équitable et protecteur pour les étudiants et fonctionnaires en situation de contentieux disciplinaire.
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