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Tabâa et principe de neutralité des agents publics

Tabâa et principe de neutralité des agents publics

Publié le : 09/12/2024 09 décembre déc. 12 2024

La « tabâa » (marque cutanée frontale générée par une pratique religieuse assidue) d’un candidat à la profession de policier n’est pas une manifestation ostensible de son appartenance religieuse et n’est donc pas  incompatible avec les principes de laïcité et de neutralité. (Cour administrative d’appel de Paris, 18 octobre 2024, n°23PA02755)
 

Les faits : le refus du préfet d’accorder un agrément au candidat policier en raison d’une marque de piété


Le préfet de police a refusé d’accorder au requérant l’agrément nécessaire à l’exercice de la profession de policier adjoint. 

Le requérant candidat à l’emploi de policier adjoint a alors contesté cette décision devant le tribunal administratif de Paris. 

Par un jugement en date du 21 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.  

Le requérant a alors interjeté appel de ce jugement en soutenant notamment que le refus d’accorder l’agrément constituait une restriction illégale à l'accès de la fonction publique fondée sur sa pratique religieuse et que le préfet de police ne démontrait pas que le requérant ne disposerait pas, pour ce motif, des garanties requises à la délivrance de l'agrément nécessaire à l'exercice de la profession de policier adjoint et caractérise une discrimination illégale.
 

Le Cour considère que la tâbaa n’est que la conséquence physique d’une pratique religieuse exercée dans un cadre privé.


Le juge administratif rappelle les dispositions de l'article R. 434-29 du code de la sécurité intérieure selon lequel : « Le policier est tenu à l'obligation de neutralité. Il s'abstient, dans l'exercice de ses fonctions, de toute expression ou manifestation de ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques. Lorsqu'il n'est pas en service, il s'exprime librement dans les limites imposées par le devoir de réserve et par la loyauté à l'égard des institutions de la République. [...] »

Il rappelle également le principe selon lequel les agents de police, comme tous les agents publics, bénéficient de la liberté de conscience, ce qui interdit toute forme de discrimination liée à leur religion dans l'accès à la fonction ou au déroulement de leur carrière. Toutefois, il souligne que le principe de laïcité leur interdit d'exprimer leurs croyances religieuses dans le cadre de leur mission de service public. Dès lors, il revient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de veiller au respect de ce principe lors du recrutement d'un candidat destiné à rejoindre la police nationale. Ainsi, le juge administratif considère que le fait que le préfet vérifie les garanties offertes par le candidat, notamment en ce qui concerne le respect de la laïcité, ne constitue pas en soi une discrimination fondée sur ses convictions religieuses.

Toutefois, le refus du préfet de police de délivrer l’agrément est motivé par le fait que l'intéressé présentait sur le front une marque visible dite « tabâa », constituant une dermatose pigmentée, due à une pratique assidue de sa religion. Dès lors, le préfet a considéré que cette marque constituait une manifestation ostensible de son appartenance religieuse qu'il n'était pas en mesure de dissimuler et révélait un possible risque de repli identitaire incompatible avec le devoir de neutralité.

Toutefois, le juge considère que la marque qu’il porte résulte de la friction générée par le contact régulier de son front avec le tapis de prière et n’est que la conséquence physique d'une pratique religieuse exercée dans un cadre privé. 

De plus, les éléments du dossier ne permettent pas de retenir que la marque ait été recherchée à titre de signe distinctif, Dès lors, elle ne peut être regardée comme traduisant la volonté de l'intéressé de manifester ses croyances religieuses dans le cadre du service public. 

Ainsi, la seule circonstance que l'intéressé présente une « marque » de piété, ou que cette marque révélerait une pratique religieuse assidue, n'est pas à elle seule de nature à établir que la candidature du requérant serait pour ce motif incompatible avec les principes de laïcité et de neutralité et qu’il ne présenterait pas les garanties requises pour l'exercice des fonctions envisagées
 

Ce qu’il faut retenir


Si les agents de police bénéficient comme tous les autres agents publics de la liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans l’accès aux fonctions comme dans le déroulement de la carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de laïcité fait obstacle à ce qu’ils disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses. 

Dès lors, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’apprécier le respect de ce principe au cours de la phase de recrutement d’un candidat ayant vocation à intégrer le service public de la police nationale. La circonstance que le préfet s’assure des garanties présentées par le candidat en vue de l’exercice de ses futures fonctions, notamment au regard du principe de laïcité, ne constitue pas par elle-même une discrimination à raison de ses convictions religieuses.

En ce qui concerne une marque de piété issue d’une pratique religieuse dans le cadre privé, il semble que le juge distingue son appréciation en fonction de l’intention de l’agent. Si l’agent a souhaité faire naître cette marque en guise de signe distinctif, alors l’appréciation du juge pourrait aller dans le sens du préfet et du refus de délivrer l’accord pour l’agrément à l’exercice d’une mission de police. à défaut d’une telle intention, la marque de piété n’est que la conséquence physique d'une pratique religieuse exercée dans un cadre privé et ne saurait donc être interprétée comme étant un signe religieux distinctif et contraire au principe de neutralité des agents publics.

N.B. : le cabinet RD AVOCATS est compétent pour vous accompagner dans toutes vos problématiques de droit administratif. 
 

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