Droit de s'alimenter en rétention et dignité
Pour la première fois, le Conseil constitutionnel lie le droit de s'alimenter (en rétention) au droit à la dignité (Décision n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, M. Mohamed K.)
Plus précisément, les dispositions de l‘article L. 813-1 du CESEDA sont censurées en ce qu‘elles ne prévoient pas que le procès-verbal de fin de retenu doit mentionner les conditions dans lesquelles l’étranger a pu s’alimenter pendant une mesure de rétention, à défaut de quoi il ne permet pas de s’assurer que la privation de liberté de l’étranger retenu s’est déroulée dans des conditions respectueuses de la dignité de la personne humaine.
Rappel concernant la dignité humaine en rétention
En se fondant sur le préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel rappelle que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle. Par suite, toute mesure privative de liberté doit être mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine.
Partant, il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire de veiller à ce que la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne.
Par ailleurs, ces autorités doivent prévenir et réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne retenue et d’ordonner la réparation des préjudices subis.
Or, selon l’article L. 813-1 du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), un étranger peut être retenu dans un local de police ou de gendarmerie par un officier de police judiciaire aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français s’il n’a pas été en mesure de justifier de ce droit à l’occasion d’un contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des pièces ou documents l’autorisant à circuler ou séjourner en France.
L'absence de mention des conditions d'alimentation porte atteinte à la protection de la dignité humaine
A l’issue de la retenue, l’officier de police judiciaire doit dresser un procès-verbal comportant, à peine de nullité, certaines mentions telles que :
- le jour et l’heure du début et de la fin de la retenue
- la durée de celle-ci
- et, le cas échéant, la prise d’empreintes digitales ou de photographies ainsi que l’inspection visuelle ou la fouille des bagages et effets personnels, et les dates et heures de début et de fin de ces opérations.
Dès lors, l’intention du législateur auteur de l’article L. 813-1 du CESEDA était bien de garantir le respect de la dignité humaine de la personne retenue.
Toutefois, en omettant de faire mention de la nécessité de renseigner le procès-verbal de fin de retenu par les informations liées aux conditions d’alimentation de la personne retenue, le législateur n’a pas entièrement permis de s’assurer que la privation de liberté de l’étranger retenu s’est déroulée dans des conditions respectueuses de la dignité de la personne humaine.
Historique
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