Police administrative et suspension partielle de l'arrêté anti-mendicité pris à Angoulême
Auteur : Rémy Dandan
Publié le :
14/08/2023
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Par une ordonnance du 7 août 2023 (Tribunal administratif de Poitiers, 7 août 2023, n° 2301892), la juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a partiellement suspendu l’exécution de l’arrêté du 11 juillet 2023 pris par le maire d’Angoulême (dit « arrêté anti-mendicité »), d’une part, en tant qu’il s’applique à certains espaces publics, et d’autre part, en tant qu’il prohibe « la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation des piétons et à l’accès aux immeubles riverains des voies publiques, ainsi que la station debout lorsqu’elle entrave manifestement la circulation des personnes, la commodité de passage, la sureté dans les voies et espaces publics ».
Cette suspension fait suite à la requête en référé-suspension déposée par la Ligue des Droits de l’Homme.
Résumé des faits ayant conduit à la suspension partielle de l'arrêté anti-mendicité
Par un arrêté du 11 juillet 2023, le maire d’Angoulême a interdit dans cinq secteurs du territoire communal (sauf autorisation spéciale) :
- D’une part « toute occupation abusive et prolongée, accompagnée ou non de sollicitations ou quêtes à l’égard des passants, lorsqu’elle est de nature à porter atteinte à la tranquillité publique et au bon ordre public »,
- Et d’autre part « la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation des piétons et à l’accès aux immeubles riverains des voies publiques, ainsi que la station debout lorsqu’elle entrave manifestement la circulation des personnes, la commodité de passage, la sureté des voies et espaces publics ».
L’arrêté anti-mendicité contesté prévoyait que les interdictions sont applicables « du lundi au dimanche de 10h à 21h sur la période de novembre à mars et de 10h à 2h sur la période d’avril à octobre », « pour une durée d’un an à compter de l’entrée en vigueur de l’arrêté ». Pour être encore plus précis, l’arrêté anti-mendicité contesté interdisait en son article 3 :
La Ligue des droits de l’homme a alors demandé au juge administratif la suspension de l’exécution de cet arrêté dans le cadre de la procédure de référé-suspension fondée sur les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
Après avoir accueilli l’intérêt à agir, l’urgence et la recevabilité des interventions d’habitants d’Angoulême et de sa périphérie ainsi que de l’association « Barreau des rues » le Tribunal Administratif de Poitiers s’est prononcé sur la légalité de l’arrêté anti-mendicité pris par le Maire d’Angoulême.
Les motivations de l’arrêté anti-mendicité
Pour justifier sa décision, le maire d’Angoulême fait valoir que des groupes d’individus, immobiles ou peu mobiles, accompagnés ou non d’animaux, présentent un comportement perturbateur, provoquant ou d’obstruction, que de nombreuses plaintes, pétitions et mains courantes de riverains et commerçants ont été déposées auprès de la mairie ou de la police municipale qui constate quotidiennement la réalité des faits signalés dans les secteurs concernés par l’arrêté, et que la présence de ces groupes s’accompagne de nuisances portant atteinte à la tranquillité et au bon ordre publics.
Sur le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté anti-mendicité
Tout d’abord, il convient de rappeler qu’au sein de l’espace public, chacun jouit des libertés garanties par la loi. La liberté est le principe, et la restriction par la mesure de police administrative est l’exception. Ainsi, les maires, dans le cadre de leur mission de maintien de l’ordre, ne peuvent porter atteinte aux libertés que pour prendre des mesures adaptées, nécessaires et proportionnées à un objectif d’ordre public tel que la préservation de la sécurité publique, de la salubrité publique, de la tranquillité publique, de la moralité publique ou encore de la dignité humaine. Ces mesures de police administrative doivent tenir compte des circonstances de temps et de lieu et être justifiées par des impératifs d’ordre public.
Ensuite, à la lumière des éléments produits au cours de l’instruction, la juge des référés du Tribunal Administratif de Poitiers reconnait que les troubles et nuisances décrits par le Maire se caractérise dans une partie seulement des secteurs concernés par l’arrêté anti-mendicité. Plus précisément, le juge des référés a estimé d’une part, qu’il ressortait des pièces du dossier, et en particulier du contenu des nombreuses mains courantes produites, que les troubles à la tranquillité et au bon ordre public étaient établis dans trois des secteurs, dont le centre-ville, mais qu’en revanche, ces mêmes troubles ne l’étaient pas dans les deux autres secteurs, dont celui de la gare SNCF, et que, par suite, dans ces deux secteurs, les mesures édictées n’étaient pas nécessaires.
Enfin, le juge des référés considère que le moyen tiré de ce que l’interdiction visant « la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation des piétons et à l’accès aux immeubles riverains des voies publiques, ainsi que la station debout lorsqu’elle entrave manifestement la circulation des personnes, la commodité de passage, la sureté dans les voies et espaces publics » présente un caractère trop général et insuffisamment précis et par suite, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion au regard de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public poursuivi.
Dès lors, cette interdiction de « station assise ou allongée » est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté litigieux.
Conclusion concernant la légalité de l’arrêté anti-mendicité
Eu égard à la situation d’urgence créée par la limitation substantielle et durable à la liberté d’utiliser et d’occuper l’espace public apportée par l’arrêté contesté, la juge des référés en a suspendu partiellement l’exécution dans l’attente de la décision qui sera rendue au fond, limitant ainsi provisoirement son champ d’application comme sa portée.
Plus précisément, l’arrêté anti-mendicité du 11 juillet 2023 est partiellement suspendu :
- d’une part en tant qu’il s’applique aux espaces publics suivants : « boulevard Denfert Rochereau, parvis de la gare SNCF, parking de la gare SNCF, parc de Bourgines, square de la Grand Font, square Saint-André, jardin du comité des jumelages, boulevard Berthelot »,
- et d’autre part, en tant qu’il prohibe « la station assise ou allongée lorsqu’elle constitue une entrave à la circulation des piétons et à l’accès aux immeubles riverains des voies publiques, ainsi que la station debout lorsqu’elle entrave manifestement la circulation des personnes, la commodité de passage, la sureté dans les voies et espaces publics »
Historique
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