Transidentité : le droit de l'UE oblige chaque État membre à reconnaître le changement de prénom et d'identité de genre
Pour la première fois, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) affirme que le droit de l'Union européenne (UE) oblige chaque État membre à reconnaître le changement de prénom et d'identité de genre d'un citoyen de l’UE (CJUE, 4 octobre 2024, C‑4/23).
Les faits concernaient une ressortissante roumaine vivant au Royaume-Uni depuis 2008, qui a demandé en 2020 aux autorités roumaines de mettre à jour son acte de naissance pour matérialiser son nouveau prénom et son identité de genre, légalement reconnus au Royaume-Uni avant la fin de la période de transition (Brexit).
Les faits
Le requérant, né en Roumanie avec un prénom et une identification féminine, a acquis la nationalité britannique après avoir déménagé. Il a changé son prénom et son titre de civilité de féminin à masculin via la procédure de Deed Poll, et a mis à jour son permis de conduire et passeport en conséquence. Il a ensuite obtenu un Gender Identity Certificate, confirmant son identité masculine.
Sur la base de la procédure Deed Poll et du certificat d’identité de genre, le requérant a demandé à l’état civil de son lieu de naissance de modifier son acte de naissance pour y inscrire son changement de prénom, de genre, et de numéro d’identification personnel, afin qu'ils correspondent à son identité masculine, et de lui délivrer un nouveau certificat de naissance.
Les autorités roumaines ont rejeté sa demande au motif notamment qu’une personne ne peut être inscrite dans son acte de naissance que lorsqu’elle a été approuvée par une décision de justice devenue définitive.
Le raisonnement de la Cour
Tout d’abord, la Cour a relevé que les modifications relatives à l’état civil de la requérante sont intervenues au Royaume-Uni, pour le changement de prénom, lorsque cet État était encore un État membre de l’Union et, pour le changement d’identité de genre, au cours de la période de transition.
Dès lors, la Cour a considéré que dans la mesure où la requérante, en sa qualité de citoyen de l’Union, revendique dans son État membre d’origine la reconnaissance du changement de son prénom et de son identité de genre obtenu, lors de l’exercice de sa liberté de circulation et de séjour au Royaume-Uni, respectivement avant le retrait de cet État membre de l’Union et avant la fin de la période de transition, elle peut se prévaloir, à l’égard de cet État membre d’origine, des droits afférents à cette qualité, et ce également après la fin de cette période.
La Cour a également estimé que le refus des autorités compétentes d'un État membre de reconnaître et d'inscrire dans les registres de l'état civil, notamment l'acte de naissance, le changement de prénom et d'identité de genre d'un ressortissant, acquis légalement dans un autre État membre, constitue une restriction au droit de circuler et de séjourner librement.
Ce refus, fondé sur une réglementation nationale ne permettant pas une telle reconnaissance, oblige la personne à engager une nouvelle procédure judiciaire pour changer son identité de genre, ignorant ainsi le changement déjà validé dans l'autre État membre.
Elle rappelle ainsi qu’une réglementation nationale qui est de nature à restreindre l’exercice de ce droit ne peut être justifiée que si elle se fonde sur des considérations objectives et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national.
En l’occurrence, les instances roumaines n’ont pas fourni des indications quant aux objectifs poursuivis par la réglementation nationale en cause qui ne permet pas la reconnaissance et l’inscription dans l’acte de naissance du changement de prénom et d’identité de genre, légalement acquis dans un autre État membre, et qui contraint ainsi l’intéressé à engager une nouvelle procédure de changement d’identité de genre devant les juridictions nationales, laquelle fait abstraction de ce changement déjà légalement acquis dans cet autre État membre.
Historique
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