Sanction pour une tentative de suicide ? Le juge annule
Le tribunal administratif de Paris annule la décision par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a confirmé la sanction de 14 jours de cellule disciplinaire prononcée par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Paris la Santé contre un détenu qui avait tenté de se suicider (TA Paris, 5 février 2024, n°2210242).
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Les faits : une tentative de suicide et des prétendues violences
Le requérant a été écroué le 19 décembre 2021 au centre pénitentiaire de Paris la Santé. Il a fait l’objet de compte-rendus d’incident pour s’être jeté, le 22 février 2022, dans le filet de protection de la rue haute de l’établissement (tentative de suicide) et pour avoir, le 2 mars 2022, bousculé un surveillant pénitentiaire et bloqué la fermeture de sa porte de cellule.
Par deux décisions du 7 mars 2022, la commission de discipline a estimé qu’il avait commis ce faisant des fautes et lui a infligé pour cela une sanction de mise en cellule disciplinaire pour une durée de quatorze jours, commune aux deux procédures.
Par des courriers du 21 mars 2022, l’intéressé a formé des recours administratifs préalables obligatoires qui ont été rejetés.
Le requérant demandait l’annulation de ces décisions, et le tribunal administratif lui donnera satisfaction.
L’analyse du juge
Tout d’abord, la décision rappelle qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
Concernant le caractère fautif des faits en cause, le juge administratif rappelle qu’aux termes de l’article R. 57-7 du code de procédure pénale, alors applicable : « Les fautes disciplinaires sont classées selon leur gravité, selon les distinctions prévues aux articles R. 57-7-1 à R. 57-7-3, en trois degrés. ».
Concernant les faits de violences
Analysant le grief tiré du fait que le détenu aurait bousculé un surveillant pénitentiaire et bloqué la fermeture de sa porte de cellule, le juge rappelle qu’aux termes de l’article R. 57-7-1 du même code, constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue d’exercer ou de tenter d’exercer des violences physiques à l’encontre d’un membre du personnel. De plus, aux termes de l’article R. 57-7-2 du code : « Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / 1° De refuser de se soumettre à une mesure de sécurité définie par une disposition législative ou réglementaire, par le règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire ou par toute autre instruction de service ou refuser d’obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l’établissement () »
En l’espèce, le juge considère que la faute reprochée doit être considérée comme étant un refus d’obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel de l’établissement, ce qui relève des fautes du deuxième degré. Pour ce faire, le juge souligne la circonstance que le détenu a toujours lui-même reconnu les faits.
Concernant la réalité d’un geste violence émis par le détenu sur un personnel pénitentiaire, le juge relève que le détenu a nié un tel geste et que les vidéos ne permettent pas de mettre en évidence un « geste clair » en direction du surveillant pénitentiaire.
Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la sanction est entachée d’une erreur de fait en tant qu’elle a regardé les faits en cause comme étant matériellement établis puisqu’aucun élément ne permet de caractériser que le détenu a repoussé brutalement le surveillant se tenant dans l’embrasure de la porte et commis, de ce fait, une faute de premier degré.
Concernant la tentative de suicide
Concernant le grief tiré du fait que le détenu se serait jeté dans le filet de protection de la rue haute de l’établissement pour tenter de se suicider, le juge rappelle que constitue une faute disciplinaire le fait de franchir ou tenter de franchir les grillages, barrières, murs d’enceinte et tous autres dispositifs anti-franchissement de l’établissement, d’accéder ou tenter d’accéder aux façades et aux toits de l’établissement ainsi qu’aux chemins de ronde, aux zones neutres et aux zones interdites visées par le règlement intérieur ou instruction particulière arrêtée par le chef d’établissement.
En l’espèce, le juge considère qu’en qualifiant le caractère fautif du comportement du détenu sans tenir compte de l’intention ayant présidé à son geste, l’autorité administrative a entaché sa sanction d’une erreur d’appréciation, ce qui suffit à annuler la sanction disciplinaire.
Ainsi, le juge administratif souligne la nécessité pour une autorité administrative de s’assurer de la matérialité et de l’intentionnalité d’un fait pour le caractériser de faute disciplinaire.
Conséquence : la sanction prononcée était disproportionnée
A partir du moment où le juge administratif a retenu l’erreur manifeste d’appréciation concernant deux des principaux griefs fondant la décision, il convient de s’attendre à ce qu’il considère que la sanction prononcée sur le fondement de ces deux erreurs manifeste d’appréciation est disproportionnée. Et c’est ce que le juge va faire.
En effet, le seul fait susceptible de faire grief retenu par le juge est le fait d’avoir bloqué quelques instants la fermeture de la porte de sa cellule en méconnaissance d’une instruction reçue d’un membre du personnel pénitentiaire. Toutefois, au regard de ce seul fait, la sanction de mise en cellule disciplinaire, qui constitue la plus lourde de l’échelle des sanctions, et de surcroît pour une durée de quatorze jours, particulièrement longue au regard de la durée maximale encourue, présentait un caractère disproportionné.
Le Tribunal a alors jugé que le requérant était fondé à soutenir que l’autorité administrative a entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en lui infligeant une sanction sans rapport avec la gravité des faits qu’il avait commis.
Historique
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