Surcharge des juridictions, délais raisonnables, déni de justice et compétence territoriale des juridictions
La Cour de cassation a jugé que la surcharge d’une juridiction ne justifie pas le choix des justiciables d’opter pour une autre juridiction que celle qui est territorialement compétente (Cour de cassation, 3 octobre 2024, n°22-14.853).
En l'espèce, une salariée licenciée a saisi le conseil de Prud’hommes au lieu de celui de Nanterre considérant que ce dernier était trop surchargé et lent.
Le conseil de prud’hommes de Versailles s’est déclaré incompétent ce que la demanderesse estime être, à tort, un déni de justice.
L'argumentation de la demanderesse : une surcharge à l'origine d'un déni de justice
La salariée licenciée invoquait l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CESDH) en arguant que constitue un déni de justice le fait de prononcer un jugement dans un délai anormalement long ; le respect du délai raisonnable de jugement doit être évalué dès la saisine de la juridiction, lorsque la surcharge avérée de celle-ci permet de prévoir dès le départ la durée probable du jugement. D’autant plus qu’elle faisait valoir que le conseil de prud'hommes de Nanterre, étant surchargé, rendait ses décisions plus de trois ans après avoir été saisi.
Elle en concluait que le respect du délai raisonnable de jugement, garanti par l'article 6 § 1 de la CESDH, imposait d'écarter les dispositions du code du travail relatives à la compétence territoriale.
De plus, la requérante rappelait l’obligation pour les États adhérents à la Convention de respecter les décisions de la CESDH. Ainsi, elle rappelle une jurisprudence selon laquelle, « les conflits du travail portant sur des points qui sont d'une importance capitale pour la situation professionnelle d'une personne, doivent être résolus avec une célérité particulière » (CEDH 8 juin 2004, [X] c/ France, req n° 65766/01)
Le raisonnement de la Cour de cassation : la surcharge des juridictions ne justifie pas de dérogation aux règles de compétences territoriales
Tout d’abord, la Cour de cassation a rappelé le principe, prévu par l’article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et invoqué par la requérante, selon lequel “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable (...) “
La Cour fonde ensuite sa décision sur l’article R.1412-1 du Code du travail qui traite de la compétence territoriale s’agissant des différends et litiges devant le conseil de prud’hommes. Ainsi, elle considère que les parties ne peuvent écarter les règles de compétence territoriale des juridictions prud'homales au motif que la surcharge alléguée de la juridiction au moment de sa saisine les priverait de la possibilité d'obtenir une décision dans un délai raisonnable.
En somme, les dispositions de l'article 6, § 1, de la CESDH, ne permettent pas d'écarter les dispositions d'ordre public du code du travail fixant les règles de compétence territoriale des juridictions prud'homales.
Historique
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