
L’Etat condamné à la réparation des préjudices du fait de la mort du détenu Yvan Colonna
L’Etat a été condamné à indemniser l’épouse d’Yvan COLONNA et ses ayants droits de la somme de 75 000 euros réparant les préjudices subis du fait d’une agression ayant entraîné sa mort au sein d’un centre pénitentiaire (TA Marseille, 18 février 2025, n°2202926 ).
Cette décision met en application le régime spécial de responsabilité de l’Etat du fait des violences commises au sein d’un établissement pénitentiaire entre personnes détenues.
Les faits et la procédure de l’affaire
Yvan COLONNA était un détenu incarcéré dans une maison d’arrêt centrale qui a été victime d’une agression par un codétenu le 2 mars 2022. Il est décédé quelques jours plus tard des suites des blessures subies.
Franck ELONG ABE qui purgeait plusieurs peines dont une pour "association de malfaiteurs terroriste a agressé Yvan COLONNA alors qu’il était en train d’effectuer un exercice sportif au sol. L’agresseur a sauté sur lui à pieds joints, puis lui a écrasé le cou avec ses mains et lui a recouvert la tête avec plusieurs sachets en plastique afin de l’étouffer.
Ses ayants droit ont saisi le tribunal administratif de Marseille d’un recours indemnitaire afin d’engager la responsabilité de l’Etat.
Le tribunal administratif de Marseille a condamné l’Etat à verser aux ayants droits de la victime, soit à son épouse et à ses deux enfants, une somme totale de 75 000 euros en réparation des souffrances physiques et morales endurées.
Le raisonnement du juge administratif pour donner droit à réparation aux ayants droits, se base sur le fondement d’un régime de responsabilité spécial réservé aux préjudices causés par l’agression au sein d’un établissement pénitentiaire entre personnes détenues.
Le régime spécial de la responsabilité de l’Etat du fait des violences commises au sein d’un établissement pénitentiaire entre personnes détenues
En droit, un régime de responsabilité pour faute simple a été consacré par l'article 44 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire rédigé dans ces termes :
"L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.
Même en l'absence de faute, l'Etat est tenu de réparer le dommage résultant du décès d'une personne détenue causé par des violences commises au sein d'un établissement pénitentiaire par une autre personne détenue."
Cet article de loi a été codifié aux articles L. 7 et L.8 du code pénitentiaire.
Ainsi, conformément à l’article L.7 du code pénitentiaire, l'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels. À défaut de respecter ce devoir, la responsabilité de l’Etat sans faute est susceptible d’être engagée sur le fondement de l’article L.8 du code pénitentiaire, dès lors que l’agression entraîne la mort d’un détenu. Le cas échéant, et en présence d’une agression d’un détenu qui n’entraîne pas son décès mais qui lui cause des préjudices, la responsabilité de l’Etat pour faute est également susceptible d’être engagée.
L’engagement de la responsabilité de l’Etat implique de rapporter la preuve d’un manquement de l’administration pénitentiaire à son devoir de surveillance et de respect de la sécurité des détenus.
La responsabilité de l’Etat dans la mort d’Yvan COLONNA
Le juge administratif a condamné l’Etat en réparation des préjudices subis par le détenu décédé, sur le fondement du régime spécial de responsabilité pour faute simple du fait des violences commises au sein d’un établissement pénitentiaire, entre personnes détenues.
En ce sens, il a retenu d’une part, les moyens tirés du manquement de l’administration pénitentiaire à son devoir de surveillance des détenus et de leur sécurité.
D’autre part, le juge administratif a aussi retenu la carence fautive de l’administration pénitentiaire qui n’a pas affecté le détenu auteur de l’agression en quartier d’évaluation de la radicalisation, en dépit du parcours pénitentiaire et du comportement inquiétant de ce dernier.
En outre, le juge administratif a reconnu le caractère direct et certain entre ces manquements fautifs de l’administration pénitentiaire et l’agression du détenu décédé.
Partant, le juge administratif a reconnu un préjudice physique du fait de la violence de l’agression telle qu’elle ressort des images de vidéosurveillance et morales du fait des conditions de la mort du détenu. Par conséquent, l’Etat est condamné à la réparation de ces préjudices et à verser aux ayants droits de la victime une somme à hauteur de 75 000 euros en réparation des souffrances physiques et morales.
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