
Le Conseil d’Etat juge légitime l’interdiction du port de signes distinctifs avec la robe d’avocat
L’interdiction du port de signes distinctifs (dont les signes religieux) ne porte pas une atteinte illégitime à la liberté de pensée, de conscience et de religion (Conseil d’État, 3 mars 2025, SAF, n°490505).
En effet, le Conseil d’Etat a rejeté la requête introduite par le Syndicat des avocats de France (SAF) demandant l’annulation de la décision du conseil national des barreaux (CNB) portant modification du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) afin d’intégrer expressément l’interdiction du port de signes distinctifs avec la robe d’avocat.
Par cette décision, le Conseil d’Etat considère que l’interdiction des ports de signes distinctifs trouve son origine dans l’alinéa 3 de l’article 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et non dans la décision du CNB.
Le contexte de l’interdiction du port de signes distinctifs avec la robe d’avocat
Voici plusieurs années que le débat du port de signes distinctifs par les avocats revêtus de leur robe interroge sur sa licéité. L’avocat peut-il porter une légion d’honneur sur sa robe ? Peut-il porter la robe et un signe religieux ?
En ce qui concerne la légion d’honneur, comme toutes les décorations et médailles, le CNB estime que son interdiction ou non ne relève pas de sa compétence mais de celle du législateur par le biais du code de la légion d’honneur et de la médaille militaire.
Concernant le port de signes religieux et autres signes distinctifs, la situation est plus complexe.
Avant que le CNB n’intègre dans sa réglementation l’interdiction de port de signes distinctifs avec la robe, les ordres règlementaient eux-mêmes les conditions relatives au port de la robe à l’échelle de leur barreau. Les pratiques étaient alors différentes.
Le Conseil de l’ordre du barreau de Lille avait alors adopté une délibération portant interdiction du port de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique communautaire ou politique. Cette délibération a alors été contestée devant la Cour de cassation qui a jugé qu’en l’absence de disposition réglementaire du CNB, il entre dans les compétences d’un Conseil de l’ordre de réglementer le port et l’usage du costume de sa profession, et d’autre part qu'afin de protéger leurs droits et libertés, chaque avocat, dans l'exercice de ses fonctions de défense et de représentation, se doit d'effacer ce qui lui est personnel. La Cour de cassation concluait alors que le port du costume de sa profession sans aucun signe distinctif est nécessaire pour témoigner de sa disponibilité à tout justiciable (Cour de cassation, 1ere ch. civ., 2 mars 2022, 20-20.185).
Tirant les conséquences de cet arrêt et dans une volonté d’harmonisation, le CNB a intégré dans le règlement intérieur national cette interdiction par une décision datée du 7 septembre 2023, publiée le 27 octobre 2023, et adoptée par son assemblée générale. Cette décision modifie l’article 3 du RIN qui prévoit désormais que : « Les avocats revêtent, dans l’exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession. L’avocat ne porte aucun signe distinctif avec sa robe. »
C’est cette décision du CNB qui était contestée devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat considère que l’interdiction du port des signes distinctifs ne porte pas une atteinte illégitime à la liberté de pensée, de conscience et de religion
Tout d’abord, il est important de relever que le Conseil d’Etat considère que l’interdiction du port des signes distinctifs avec la robe d’avocat ne trouve pas son origine dans la décision du CNB mais dans l’alinéa 3 de l’article 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 rédigé dans ces termes :
“Les avocats sont des auxiliaires de justice.
Ils prêtent serment en ces termes : "Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité".
Ils revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.”
Partant, le Conseil d’Etat considère qu’en introduisant dans le règlement intérieur national de la profession d'avocat un article 1.3 bis excluant le port de tels signes, le CNB s'est borné à préciser les modalités d'application des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971, sans édicter de prescriptions nouvelles.
Ensuite, afin de retenir l’interdiction du port de signes distinctifs par les avocats revêtus de leur robe, le Conseil d’Etat a mis en exergue les objectifs de l’obligation légale pour les avocats de porter leur robe.
Le Conseil d’Etat considère alors qu’il résulte du troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 que le législateur, en imposant le port d'un même habit uniforme, défini par l'arrêté des consuls du 2 nivôse an XI, par tous les avocats dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, a entendu exclure le port de signes distinctifs s'ajoutant à ce costume.
Plus précisément, l'obligation légale pour les avocats de porter la robe dans leurs fonctions judiciaires a pour objectif :
- d'identifier ces derniers par un costume qui leur est propre,
- d'éviter qu'ils n'affichent par leur apparence des préférences personnelles sans rapport avec la défense des intérêts de leurs clients
- de contribuer à assurer l'égalité des avocats et, à travers celle-ci, l'égalité des justiciables.
C’est sur le fondement de toutes ces considérations que le Conseil d’Etat a conclu que l’interdiction du port de signes distinctifs avec la robe d’avocat poursuit un but légitime et proportionné qui ne méconnait pas l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 18 du pacte international des droits civils et politiques.
Historique
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