Censure de l'exclusion des étrangers résidant irrégulièrement en France du bénéfice de l'aide juridictionnelle (AJ)
Exclure les étrangers (hors cas particuliers) qui ne résident pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle est contraire au principe d’égalité (Décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024).
C’est à ce titre que le Conseil constitutionnel a censuré les trois derniers alinéas de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991, en ce qu’ils sont contraires au principe d’égalité garanti par la Constitution.
Le fondement juridique de l'aide juridictionnelle dont peuvent bénéficier les étrangers
Il convient de rappeler que, sur le fondement de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle.
L’article 3 de cette loi restreint le bénéfice de l’aide juridictionnelle aux personnes de nationalité française et les ressortissants des États membres de l’Union européenne.
En effet, cet article 3 exclut les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Les exceptions à l'exclusion du bénéfice de l'AJ des étrangers résidants irrégulièrement en France
Il existe plusieurs exceptions qui permettent à un étranger ne résidant pas régulièrement en France de bénéficier de l’aide juridictionnelle :
- Mineur
- Mis en cause ou parties civiles dans une procédure pénale
- Font l’objet de certaines mesures prévues par l’article 515-9 du code civil ou par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
- Lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès (très exceptionnel)
La question prioritaire de constitutionnalité soumise au Conseil constitutionnel
Saisi par trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel était interrogé sur la conformité à la Constitution de cette exclusion des étrangers résidant irrégulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Il était notamment soutenu qu’en n’assurant pas aux étrangers en situation irrégulière des garanties égales à celles dont bénéficient les autres justiciables pour agir en justice, alors que la loi leur reconnaît des droits, en particulier lorsqu’ils sont salariés, ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité devant la justice.
Principe d'égalité et bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les étrangers
Le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » et que son article 16 dispose que« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Il rappelle également que si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du droit d’agir en justice et des droits de la défense.
Le Conseil constitutionnel considère qu’en excluant les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle, les dispositions contestées de la loi du 10 juillet 1991 instaurent une différence de traitement entre les étrangers selon qu’ils se trouvent ou non en situation régulière en France.
Or, une telle limitation de la portée du bénéfice de l’aide juridictionnelle prive (hors exception) les étrangers ne résidant pas régulièrement en France du bénéfice de l’aide juridictionnelle pour faire valoir en justice les droits que la loi leur reconnaît.
Dès lors, les dispositions contestées n’assurent pas à ces derniers des garanties égales à celles dont disposent les autres justiciables et sont censurées par la Conseil constitutionnel.
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