RÉTENTION ADMINISTRATIVE D'UN ENFANT EN BAS ÂGE ET DE SA MÈRE : LA FRANCE CONDAMNÉE PAR LA CEDH
Auteur : Rémy Dandan
Publié le :
04/05/2023
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Le placement par la France et la prolongation du placement en rétention administrative d'une mère et de son fils de 7 mois méconnait l'interdicton des traitements inhumains et dégradants et l'article 5 de la CESDH (CEDH, 4 mai 2023, affaire A.C. et M.C. C./ France, requête n°4289/21). En effet, les conditions de rétention pour une durée excessive d'un enfant en bas âge caractérisent des sources de stress et d’angoisse trop importantes. Rappel sur les principes généraux concernant le placement en rétention administrative de mineurs accompagnés La CEDH a rappelé que les principes généraux concernant le placement en rétention administrative de mineurs accompagnés ont été résumés dans ses précédentes décisions (CEDH, 7 décembre 2017, S.F. et autres c./ Bulgarie, n°8138/16, CEDH, 22 juillet 2021, M.D. et A.D. c./ France, requête n°57035/18, CEDH, 18 novembre 2021, M.H. et autres c./ Croatie, n°15670/18 et 43115/18). Ainsi, la CEDH avait déjà statué dans le sens de l'espèce, dans une affaire impliquant la France, en tenant compte du très jeune âge de l’enfant, des conditions d’accueil dans le centre de rétention et de la durée du placement en rétention, pour caractériser la violation de l'interdition des traitements inhumains et dégradants.
Plusieurs critères sont donc pris en compte par la CEDH en matière de placement en rétention administrative des mineurs accompagnés: l'âge, les conditions d'accueil et la durée du placement en rétention. La Cour a rappelé que les seules conditions d'accueil d'un centre de rétention administratives ne suffisent pas nécessairement à franchir le seuil de gravité caractérisant les traitements inhumains et dégradants, mais qu’au-delà d’une brève période de rétention, la répétition et l’accumulation des effets engendrés, en particulier sur le plan psychique et émotionnel, par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge, dépassant alors le seuil de gravité précité.
En l'espèce, compte tenu du très jeune âge du second requérant, des conditions d’accueil dans le centre de rétention de Metz-Queuleu et de la durée du placement en rétention qui s’est déroulé sur neuf jours, la Cour considère que les autorités compétentes l’ont soumis, à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Eu égard aux liens inséparables qui unissent une mère et son bébé de sept mois et demi, ainsi qu’aux émotions qu’ils partagent, la Cour estime qu’il en va de même, dans les circonstances particulières de l’espèce, s’agissant de la première requérante. Sur la violation de l'article 5 de la CESDH eu égard aux conditions de la rétention administrative La Cour fait de nouveau référence à sa jurisprudence classique (CEDH, 22 juillet 2021, M.D. et A.D. c./ France) pour rappeler les principes généraux concernant la conformité de la rétention d'un enfant mineur accompagnant ses parents.
Les autorités étatiques doivent ainsi s'assurer, compte tenu notamment de l'enfant mineur, si une mesure moins restrictive que le placement en rétention (ou sa prolongation) était possible.
A titre d'illustration, l'assignation à résidence est une mesure moins restrictive.
En l'espèce, la requérante n’a pas bénéficié d’un contrôle juridictionnel portant sur l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la régularité de la prolongation de la rétention au regard de l’article 5 § 1 de la Convention (droit à la liberté et à la sûreté). Pour vérifier le respect de l'article 5 § 4 de la CESDH, la Cour vérifie si les juridictions internes ont effectivement tenu compte dans l’exercice du contrôle juridictionnel qu’il leur appartient d’effectuer, de la présence des enfants mineurs et ont recherché de façon effective s’il était possible de recourir à une mesure alternative à leur placement puis à leur maintien en rétention
En l'espèce, la Cour a considéré que cette condition avait été vérifiée lors du placement en rétention administrative mais que le contrôle judiciaire de la prolongation à 28 jours de rétention n'avait pas suffisamment tenu compte de la situation du requérant et de son enfant mineur.
L'insuffisance de ce contrôle est également caractérisé par l'absence de recherche d'une mesure moins restrictive.
Par conséquent, les articles 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) et 5 § 4 de la Convention (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention) ont été méconnus. Satisfaction équitable eu égard aux conditions de la rétention administrative
Eu égard aux différentes violations de la Convention constatées par la Cour, la France devra verser 10 000 euros à la requérante au titre du préjudice moral et 9 000 euros au titre des frais et dépens liés à la procédure.
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